
L’être humain n’a pas de représentation de la mort, et c’est pour lui la source d’angoisse qu’il exprime notamment par les commémorations.
L’être humain ne se fait aucune représentation inconsciente de ce qu’est la mort. La mort est un réel pour Lacan, c’est à dire quelque chose qui ne s’écrit pas. Voici pourquoi le cerveau qui ne connait pas la négation, appréhende le concept de mort et se fait une représentation de la mort par comparaison avec la vie dont elle serait l’envers. Les croyances en la résurrection constitue ainsi une manière d’exorciser l’irrémédiable comme la vie éternelle. L’esprit des morts qu’il importe d’apaiser pour Halloween, la mémoire des morts honorée lors des cérémonies militaires ou religieuses attestent de notre statut de vivant et nous rappelle la dette de vie que nous avons à l’égard de nos morts. La psychanalyse parle même de “ seconde mort” et Lacan l’emploie dans son séminaire sur l’éthique de la psychanalyse (1959-1960) [1] .
Lacan dans ce même séminaire a parlé de « la seconde mort » dont on peut dire qu’elle correspond lorsqu’il est porté atteinte en parole ou en acte à la mémoire d’un mort. Les profanations de sépulture en sont l’une des illustrations. Cette seconde mort trouve aussi une expression dans la douleur d’exister de certains sujets lorsqu’ils survivent à une catastrophe comme si leur survie ajoutait encore à l’impossible de la mort de l’autre. Leur détresse s’exprime souvent par des symptômes et des effets de corps comme autant de mortification qu’ils s’infligent pour se punir d’avoir survécu à la mort de l’être cher.
Après les fêtes d’Halloween les prochaines commémorations annuelles du 11 Novembre ont notamment pour vocation de nous préserver de faire subir cette seconde mort aux défunts. Le devoir de mémoire peut aussi s’appréhender comme le rempart contre l’effacement progressif de la mémoire des vivants, du souvenir de ceux qui ont combattu pour notre vie. Ceux qui aujourd’hui prennent part à ces commémorations de l’armistice n’expriment-ils pas là leur propre volonté de n’être eux même pas oubliés par ceux qui leur survivront ? Faute de pouvoir s’affranchir de la mort, d’aucuns envisagent la résurrection tandis que d’autres, parfois les mêmes,
par des commémorations, refusent que la mort ait le dernier mot et font revivre les défunts dans la mémoire de tous par l’hommage régulier qui leur est rendu.
La mort est consubstantielle de tout lien familial et c’est pourquoi elle est fréquemment présente lors des séances de thérapies, soit lorsque le patient évoque la crainte face à la mort, la peur que suscite chez lui l’annonce de la mort prochaine d’un être cher ou les problématiques liées à des deuils impossibles ou traumatiques.
D’autres fois, même mort, le disparu survit grâce à des rituels que s’impose le patient et qui s’expriment eux aussi dans le symptôme qu’il manifeste. Les fantaisies liées au désir d’exploration des vies antérieures qu’expriment certains patients sont aussi des avatars d’expression de la peur de la mort. En effet explorer des vies passées suppose des renaissances successives.
[1] J. Lacan, L’éthique de la psychanalyse, texte établi par Jacques-Alain Miller, Paris, Le Seuil, 1986
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