La démission de Nicolas Hulot : son refus de céder sur son désir

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L'éthique de la psychanalyse et la démission de Nicolas Hulot
Nicolas Hulot n’a pas cédé sur son désir, lecture psychanalytique

 

Le sens de la démission de Nicolas Hulot du gouvernement d’Edouard Philippe ?

 

Lorsque Nicolas Hulot énonce gravement « Je ne veux pas me mentir. Je ne veux pas donner, une fois encore, ce sentiment que si je repars, c’est parce que j’y crois » c’est clairement qu’il ne veut pas faire les choses au nom du Souverain Bien de ses concitoyens car il sait que, loin de réduire son sentiment de culpabilité, tout discours aseptisé ne ferait que l’attiser. Le sentiment de culpabilité d’un sujet n’est jamais aussi intense que quand il sacrifie sa jouissance pour laisser la place à une idéologie morale.

 

Si Nicolas Hulot avait consenti à se contenter des « petits pas » et à la patience qu’on attendait de lui, il aurait mis son désir au service de la raison, de la tempérance et du politique et comme tel aurait cédé sur ce qu'il a toujours défendu et ce pourquoi il mène son combat.

 

Le discours de la sagesse c’est le discours de la tempérance et de la vertu qui anime la sagesse des philosophes antiques, le discours politique et religieux et c’est précisément ce dont Nicolas Hulot ne voulait plus.

 

Nicolas Hulot n’a pas cédé sur son désir

 

Dans l’Ethique de la psychanalyse, Jacques Lacan nous dit ceci  « Je propose que la seule chose dont on puisse être coupable, au moins dans la perspective psychanalytique, c’est d’avoir cédé sur son désir » 1 Il reprend là ce qu’en son temps Freud indiquait dans le Malaise dans la civilisation à propos de la pulsion dont il disait en substance que chaque renoncement à la satisfaction de la pulsion accroissait la sévérité et l’intolérance de celle-ci au point qu’elle finit par dominer le sujet.

C’est ce que Jacques Lacan traduit en parlant de « céder sur son désir » et c’est ce qu’a refusé de faire ce matin Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire, invité du grand entretien de Nicolas Demorand et Léa Salamé le 28 Aout 2018 sur France Inter..

Lorsque Nicolas Demorand lui a demandé s’il avait des explications sur le faible engagement du gouvernement sur l’écologie et l’absence de mesure concrètes en dépit des alertes qu’il a lancées, Nicolas Hulot a alors énoncé une série de « Non je n’ai pas de réponse »  de sorte que lorsque les journalistes lui ont demandé le sens que revêtait dès lors sa présence au gouvernement  il en vient à annoncer sa démission du gouvernement.

Même s’il indique avoir pris sa décision la veille il dit : « Je vais prendre pour la première fois la décision la plus difficile de ma vie » il parle au futur proche de l’indicatif ce qui laisse penser c’est à la suite de ce constat d’impuissance qu’il motive par une solitude au gouvernement qu’une épiphanie survient et que sa décision de démission s’impose à lui comme la seule acceptable pour ne pas trahir ses engagements et préserver sa cohérence en tant que sujet.

 

Désirer c’est toujours dire « Non » à l’autre.

 

Nicolas Hulot précise que son maintien au gouvernement ne pourrait que s’accompagner d’un cynisme, il dit savoir parfaitement que les objectifs fixés ne peuvent être remplis, et c’est à cet instant précis qu'il refuse toute complaisante et veut préserver son éthique.

C’est ce que Nicolas Hulot condense lorsqu’il  précise qu’il voulait cesser de se mentir. Céder, c’est donner quelque chose à l’autre, tandis que désirer s’accompagne toujours de dire « Non » à l’autre. Ne pas transiger, c’est le sens de la geste de Nicolas Hulot  pour qui  les limites de l’infranchissable avait été atteintes la veille lors de la réunion avec les chasseurs.

Nicolas Hulot en démissionnant n’a pas voulu se trahir lui-même. Il illustre ce que Jacques Lacan avance quand il nous dit «  Ce que j’appelle céder sur son désir s’accompagne toujours dans la destinée du sujet – vous l’observerez dans chaque cas, notez en la dimension – de quelque trahison. Ou le sujet trahit sa voie, se trahit lui-même, et c’est sensible pour lui-même ».

Quand Nicolas Hulot dit: « Je me surprends tous les jours à me résigner, tous les jours à m’accommoder des petits pas, alors que la situation universelle, au moment où la planète devient une étuve, mérite qu’on change de paradigme ».C’est bien que la trahison lui est devenue intolérable. Cela illustre ce que Jacques Lacan quand il dit qu’en cédant sur son désir : «  on cède au point de rabattre ses propres prétentions (…) nous ne valons mieux, rentrons dans la voie ordinaire. Là, vous pouvez être sûr que se retrouve la structure qui s’appelle céder sur son désir » . Jacques Lacan parle de céder « sur » le désir de la même manière qu’un sujet céderait sur un principe. Quand un sujet cède sur son désir il s’anéantit, il disparait, il se dissous.

L’enjeu véritable du désir dont nous parle Jacques Lacan dans l’Ethique de la psychanalyse à propos d’Antigone c’est bien « l’empiétement de la mort sur la vie » [2] et s’agissant d’écologie et des drames que lesquels Nicolas Hulot nous alerte comme il l’a encore fait ce matin.

 

Désir langage et psychanalyse

 

Nicolas Hulot a dénoncé également le pouvoir des lobbyistes et s’est bien légitimement demandé où résidait le vrai pouvoir. Rappelons-nous qu’avant même son séminaire sur l’Ethique de la psychanalyse dans le rapport de Royaumont écrit en juillet 1958, il parlait déjà d’un  détournement de la cure ancrée dans un pouvoir qui est toujours pouvoir « de faire le bien », éludant ainsi la question de la vérité. S’engager dans la voie  de la vérité, c’est renoncer au pouvoir et c’est ce qu’a fait Nicolas Hulot

 

Nicolas Hulot a ce matin refuse de mettre sa volonté et son énergie dont il dit ne pas manquer, au service d’un apaisement à l’aide d’un discours lénifiant pour glorifier des avancées illusoire qui ne sont que des leurres.

 

En ne cédant pas sur son désir Nicolas Hulot nous a ce matin rappelé que le désir donne corps et donne une identité humaine grâce à une inscription dans le langage. Si à propos du désir Jacques  Lacan convoque Antigone, c’est bien au nom de la mémoire. La psychanalyse est une éthique du désir et le travail avec le patient lors de sa cure est précisément de l’aider à lui permettre de renouer avec ce qu’st son désir et d’y donner corps en se défaisant de ses identifications.

 

 

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[1] Jacques Lacan, Livre VII, L’éthique de la psychanalyse, leçon du 22 juin 1960, Paris, Le Seuil, 1986.

[2] Jacques Lacan, Livre VII, L’éthique de la psychanalyse, leçon du 22 juin 1960, Paris, Le Seuil, 1986.

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En démissionnant Nicolas Hulot a refusé de " céder sur son désir "
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En démissionnant Nicolas Hulot a refusé de " céder sur son désir "
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L'interwiew par Léa Salamé et Nicolas Demorrand de Nicolas Hulot sur France Inter du 28 Juin 2018 m'a soudain rappelé le séminaire de Jacques Lacan L'éthique de la psychanalyse dans lequel il avance que céder sur son désir s'accompagne toujours d'une trahison. Ce matin Nicolas Hulot a refusé de trahir ses engagements et ses idéaux. Retour sur le sens d'une démission à la lueur de la psychanalyse.
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En démissionnant Nicolas Hulot a refusé de " céder sur son désir "
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